Biography Roy Antoine
La plupart des Filles du roi qui se sont mariées en Nouvelle-France ont mené une existence simple. Elles n'ont pas, comme quelques-unes, défrayé la chronique populaire. L'histoire qui suit est celle d'un soldat du régiment de Carignan dont les déboires et la mort violente ont transformé en tragédie l'aventure d'une Fille du roi.
À la fin du mois d'août 1668, le tonnelier Antoine Roy dit Desjardins quitte Batiscan pour se rendre à Québec où quelques dizaines de Filles du roi sont attendues. Cet ex-soldat du régiment de Carignan choisit Marie Major. Agée d'une trentaine d'années, orpheline de père et de mère, la jeune femme est originaire de Saint-Thomas-de-Touques, en Normandie. Sa dot est constituée de biens évalués à 300 livres.
Leur mariage est célébré à Québec le 11 septembre suivant, en présence de quelques témoins. Le couple prend ensuite la route de Batiscan où Antoine Roy a obtenu une première terre en 1667. Pierre, leur unique enfant, vient au monde au cours de l'été 1669.
Même si deux autres terres sont, plus tard, octroyées au colon, celui-ci n'est pas un défricheur modèle. Le recensement de 1681 précise que seulement cinq arpents des terres qu'il possède ont été mis en valeur et que deux bêtes à cornes forment la totalité de son cheptel.
Les Roy dit Desjardins sont pauvres. Leur maigre avoir est bientôt couvert d'hypothèques. En 1674, ils ont emprunté au Montréalais Michel Lecourt et à plusieurs autres personnes de leur entourage. En 1680, Lecourt a vainement réclamé son dû. Deux ans plus tard, le procureur du roi intervient dans ce litige. Roy, qui n'a pas daigné comparaître, est condamné à acquitter cette dette, les intérêts courus et les frais de cour. Alarmés, les autres créanciers font valoir leurs droits. Encore une fois, le colon de Batiscan, qui semble s'être volatilisé, ne se manifeste pas.
Il vit depuis plusieurs mois dans la région de Montréal quand, en 1684, Michel Lecourt demande à la Justice de sévir contre ce mauvais payeur qui, croit-il, cache les revenus qu'il «gagne journement de son métier de tonnelier». À l'époque où Lecourt dépose sa plainte, Antoine Roy dit Desjardins loge chez Julien Talua dit Vendamont. Les relations entre les deux hommes sont mauvaises aussi Talua se charge-t-il lui-même de la confiscation des biens de son locataire. Le 17 mai, la justice condamne Roy dit Desjardins à verser un cautionnement ou, s'il le veut, à travailler pour le compte de Lecourt. Le mois suivant, faute d'avoir obtempéré à l'ordre du tribunal, le colon de Batiscan est arrêté. Libéré le 15 juin, il est aussitôt dénoncé par Talua qui prétend savoir que son hôte a l'intention de fuir.
Le 10 juillet suivant, Antoine Roy dit Desjardins est assassiné par Talua qui l'aurait trouvé dans le lit de sa femme...
Marie Major sera, à son tour, poursuivie par les créanciers qui obtiendront la saisie de tous les biens acquis pendant la durée de son mariage. Elle est décédée à l'Hôtel-Dieu de Québec, le 8 décembre 1689, laissant un fils dont la descendance s'est perpétuée jusqu'à nos jours.
Source: UNE FILLE ET UN SOLDAT sur le site suivant: www.civilisations.ca/vmnf/popul/filles/25-fr.htm
Une autre vue sur ce cas par R. Creamer (par courriel)
Je trouve dommage que la biographie annexée à cette fiche généalogique dépeigne cet ancêtre qu'est Antoine Roy-Desjardins comme un mauvais payeur, mauvais colon, un individu aux mœurs dépravées pour l'époque coupable d'adultère…
Il est mort assassiné par son logeur Julien Talua, en l'occurrence, premier bedeau de Lachine, qui va dire, pour expliquer et excuser son crime, qu'il a trouvé Antoine Roy-Desjardins dans son lit avec sa femme Anne Godeby. Cependant, j'ai trouvé sur internet un document qui réhabilite grandement la mémoire d'Antoine Roy-Desjardins et dont la lecture est instructive et intéressante. Je vous mets le lien:
https://histoiresdancetres.com/non-classe/des-mesaventures-qui-tournent-mal-pour-antoine-roy-dit-desjardins/
Dans ce document, on trouve aussi la référence du roman de Sergine Desjardins, "Marie Major", qui raconte la vie du couple Roy-Desjardins et Marie Major, en respectant le plus possible la réalité. J'ai lu ce roman.
Dans ce roman, on peut y lire que :
Lors du procès de Julien Talua dit Vendamont son assassin, Marie Major la femme d'Antoine Roy-Desjardins avait demandé à ses voisins de Batiscan de venir témoigner en faveur de son mari assassiné. Voici ce qu'Estelle Brisson archiviste a trouvé dans les documents d'archives et qu'elle a fournis à Sergine Desjardins pour la rédaction de son livre Marie Major. Ces témoignages sont cités en…
p. 749 Est comparu le sieur Nicolas Pot, habitant de Batiscan; lequel a dit et déclaré que ledit Desjardins, s'est comporté en honnête homme de sa connaissance, et depuis quinze ans qu'il le connaît, et qu'il ne l'a jamais connu que pour homme de bien dont ladite femme a requis acte et a fait sa marque qui est un N. et un p ainsi qu'il a dit. Ledit comparant.
N P
Maugue (Paraphe)
p. 749 Est comparu au greffe et par devant le notaire, François Fortage, habitant de Batiscan. Lequel a déclaré, sur la même sommation que depuis dix-sept ou dix-huit ans qu'il connaît ledit Desjardins, il l'a toujours trouvé homme de bien et d'honneur et qu'il n'a jamais été accusé d'avoir aucun bruit pour faire du mal avec des filles et femmes. En foi de quoi, il a signé en confirmant en son âme et conscience la chose véritable, étant partir pour la guerre comme ledit Pot.
Francois fortage
Maugue (paraphe)
Greffier notaire
p. 750 Est comparu le sieur Antoine Trottier, marchand, sur la même sommation que dessus. Lequel a dit et déclaré en son âme et affirme en sa conscience qu'il a toujours reconnu ledit Antoine Roy dit Desjardins, tonnelier, qui a été tué par Vendamont pour un homme de bien et d'honneur et qu'il n'a jamais reconnu en lui de mauvaise conduite ni à donner au libertinage des filles ou femmes
Trotier desruissiau
Maugue (paraphe)
Greffier
p. 750 Est comparu au greffe Jean Lariou, habitant de Batiscan, étant sur son départ pour la guerre. Lequel, sous la sommation que dessus, a déclaré qu'Antoine Roy Desjardins, tonnelier, habitant de Batiscan, et affirme en son âme et conscience qu'il n'a jamais reconnu rien de mauvais en la personne dudit Desjardins qui a toujours reçu en homme de bien et d'honneur depuis quinze ans ou environ, qu'il est voisin et de la même côte.
Maugue (paraphe)
Greffier
p. 751 Est comparu le sieur Jean-Baptiste Crevier sieur Duvernay. Lequel a reconnu ledit Desjardins pour homme de bien et d'honneur et n'a jamais ouï-dire qu'il était scandaleux, ni pour filles, ni femmes. Dont ladite femme a requis acte octroyé pour servir ce que de raison et a signé
Duverné
Maugue (paraphe)
Greffier notaire
p. 751 Est comparu Edmond De Suève, écuyer, seigneur en partie de Sainte-Anne. Lequel, sur la sommation et requête de Marie Major, femme dudit Desjardins, a dit et déclaré qu'il n'a jamais reconnu aucune plainte contre ledit Desjardins depuis dix-neuf ans, qu'il le connaît pour être passé dans les troupes du Roi et pour être habitant de Batiscan, lieu de son voisinage de la seigneurie de Sainte-Anne. Et a signé.
Desueve
Maugue (paraphe)
Ces témoins sont venus de Batiscan et des environs, ils ont témoigné en juillet et en août 1684. S'ils sont venus témoigner, ce n'était sûrement pas parce que cela leur rapporterait de l'argent, Marie Major et son mari étaient criblés de dettes. Étant donné la distance à parcourir, s'ils sont venus témoigner, c'était par souci de la vérité.
Est-ce que ces témoignages ont influencé le verdict du jugement rendu à Montréal qui condamnait Talua à la peine de mort le 14 octobre 1684? On peut l'imaginer.
Quant à la femme de Talua, Anne Godeby, accusée de délit d'adultère, elle sera incarcérée à la prison de Montréal et condamnée «a un bannissement perpétuel de la dite Isle, à peine du fouet et du Carcan en cas de contravention» Elle a pas eu le droit d'en appeler comme son mari Julien Talua, l'assassin d'Antoine Roy-Desjardins. Voir ci-après:
Talua en appela au Conseil souverain. Il fut transféré de Montréal à Québec. Les membres du Conseil souverain examinèrent cette cause le 28 novembre 1684, cassèrent le jugement rendu à Montréal et ordonnèrent la reprise du procès.
Les "grosses du procès" ont été amenées à Québec "par la première barque avec ledit Vendamon"… Une fois arrivé à Québec, il a été interrogé par le conseiller Depeiras. Jugeant que le procès à Ville-Marie a "esté mal procedé, (…) La cour a ordonné et ordonne qu'il sera de nouveau procedé à l'instruction du procès par ledit sieur Depeïras aux dépens de qui il appartiendra" voir :
Jugements et délibérations du Conseil souverain de la Nouvelle-France / publiés sous les auspices de la Législature de Québec vol. 2 p. 966 à 968 ou
Voir aussi les liens du procès-verbal:
https://advitam.banq.qc.ca/notice/403428?navFonds=true
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363764
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363764?docref=mQaQTVtBelIaqlSleu65Xw
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363764?docref=Yoq28ASlFwpwc7S_br7yrg
Le 5 décembre 1684, Talua fut élargi sous caution.
Pour répondre à une requête de Julien Talua, qui les a suppliés de le libérer de la prison, les conseillers se sont réunis de nouveau. Voici ce qui est écrit: Vue par la Cour la Req. Présentée en icelle par Julien Talua dit Vendamont, détenu en prison de cette ville par appel de sentence de mort contre lui rendue par le juge Bailly de Montréal, pour avoir homicidé en adultaire, le nommé Desjardins, étant couché dans le lit dudit Talua avec sa femme. Contenant que y ayant déjà plus de cinq mois qu'il s'est rendu prisonnier pour se faire justifier et absoudre dudit homicide, que son honneur et sa juste douleur lui ont fait faire après des preuves assurées du commerce infâme que cet homme entretenait depuis longtemps avec sa femme comme cette Cour peut savoir par les informations qui lui ont paru. (…) Il a déjà tant souffert par sa longue prison, outre plusieurs misères et infirmités qui lui en proviennent, il est encore atteint d'une fièvre tierce depuis huit à dix jours… il voit que sa détention ne pourrait guère plus longtemps durer sans périr de misère dans les prisons. Et particulièrement par la rigueur du froid qu'il y souffre…(On peut voir ici que le témoignage des voisins de Batiscan qui sont venus témoigné à Montréal lors du premier procès pour Antoine Roy-Desjardins a été balayé par le Conseil souverain qui ne retient ici que le témoignage et les plaintes du "pauvre Talua") Le rapport du sieur Depeiras, conseiller, a été que ledit Vendamont aura provision de sa personne, à sa caution juratoire de se représenter toutefois … faisant sa soumission à cette fin. Et élisant domicile en cette ville. À la charge de ne désemparer d'icelle plus loin que trois lieues à la ronde, sous telle peine qui serait arbitrée en cette Cour, en cas de contravention. Et sera le registre de la geôle déchargé. (Il n'est pas ici question que Talua soit fouetté en cas de contravention, comme Anne Godeby citée plus haut)
Voir aussi les liens du procès-verbal:
https://advitam.banq.qc.ca/notice/403430?navFonds=true
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363767
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363767?docref=DXwY6UqLjocNRNjwdajJSA
Le 18 décembre 1684, on lui permis d’aller à Montréal et d’y séjourner jusqu’au 8 mars 1685 pour "voir à ses affaires."
La cour lui avait ordonner le 5 décembre 1684: de ne désemparer de cette ville plus loin de trois lieues à la ronde, ce qui ayant été exécuté, il aurait eu provision de sa personne, ayant fait ses soumissions et élection de domicile en la maison de Jean Journet en cette dite ville, il est encore obligé d'avoir recours à cette dite Cour et lui remontrer qu'il lui serait nécessaire de faire un voyage à Montréal pour prendre connaissance de l'état ou sont ses biens qui sont annotés et mis en main de la justice à cause de l'homicide qu'il a commis en la personne du nommé Desjardins qu'il aurait trouvé en adultère dans le lit de lui exposant avec sa femme, et si le nommé Pierre Gaultier dit Chiguingouara établi commissaire à ses biens en prend assez de soin pour ne rien laisser dépérir, et pour régler ses comptes avec les ecclésiastiques du séminaire de Montréal desquels il était fermier de partie de leur domaine et de partie des dîmes, suppliant cette Cour de lui permettre de faire un voyage audit Montréal aux fins susdites d'où il se soumet d'être de retour dans le commencement du mois de mars prochain… (Ce n'est sans doute pas pour rien que Talua a nommé les ecclésiastique du séminaire de Montréal pendant l'audition de cette requête, Talua établissait ainsi ses liens avec des gens influents. Les Sulpiciens pour qui travaillait Julien Talua l'étaient, ils possédaient toute l'île de Montréal. Il faut rappeler qu'il était très près de ces gens d'église, étant le 1er bedeau de Lachine.)
Voir aussi les liens du procès-verbal:
https://advitam.banq.qc.ca/notice/403434?navFonds=true
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363771
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363771?docref=HSDyzna5Dnl2d14ksMCaWQ
Le 19 février 1685
Arrêt portant ordre au Procureur général de nommer un substitut, conformément à ses remontrances à l'effet que le sieur de Peiras qui part pour Montréal pourrait procéder à la nouvelle instruction du procès de Julien Talua dit Vendamont, et ce afin d'éviter des frais
(En clair, le sieur De Peiras, allait à Montréal pour le 2e procès de Talua.)
Voir aussi les liens du procès-verbal:
https://advitam.banq.qc.ca/notice/403446?navFonds=true
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363784
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3363784?docref=-XN3_TCL4ctwrgBS0vlFyw
Quand le 8 mars est arrivé Julien Talua ne s'est jamais présenté à son 2e procès. Il s'était volatilisé, enfui. Pouf! Plus de Talua!!! Le Conseil souverain ne semble pas avoir cherché à le retrouver non plus. (En ce temps-là comme aujourd'hui, il semble bien que la justice ait eu des fois, 2 poids, 2 mesures.)
Le deuxième procès fut ajourné indéfiniment.
Marie Major, sa terre de Batiscan confisquée par ses créanciers, a trouvé refuge avec son fils Pierre à Québec où elle est décédée en 1689.
Pierre Roy-Desjardins, en 1714, a donné 2 arpents de terre à la Fabrique de Kamouraska pour l'érection d'un cimetière, il a eu droit à un banc dans l'église.
Il a fait preuve de beaucoup de générosité, compte tenu que son père étant accusé d'adultère par son assassin, n'avait probablement pas eu droit à une sépulture décente dans le cimetière de Lachine et compte tenu des mœurs de l'époque, ceux qui étaient coupables d'un tel crime, se retrouvaient souvent le corps jeté aux ordures et leurs assassins graciés parce que pour les hommes d'église l'adultère était "le pire des crimes".
À mon avis, toutes les décisions du Conseil souverain concernant Talua semblent avoir favorisé sa fuite.
Voilà ma conclusion.
Ronald Creamer
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