Edward Prebinski, au centre, a reçu cette année la médaille du jubilé de la reine dans son comté de l'Île-du-Prince-Édouard.
(Cornwall) Edward Prebinski a
fait l'histoire. La vie du sexagénaire, qui a passé son adolescence à
Saint-Félicien, est digne d'un roman d'espionnage. Lorsqu'il s'est
enrôlé dans les Forces canadiennes en 1959, il était loin de se douter
qu'il allait devenir l'un des responsables de la découverte du corps de
Pierre Laporte en octobre 1970 et encore moins faire partie de ceux qui
ont vécu de près la crise des otages américains en Iran.
Aujourd'hui
résidant à l'Île-du-Prince-Édouard, M. Prebinski, dont une partie de sa
famille demeure encore au Saguenay-Lac-Saint-Jean, a bien voulu
raconter au Progrès-Dimanche quelques bribes de sa vie peu banale.
Né dans la région de Montréal, il a débarqué au Lac-Saint-Jean avec sa
famille alors qu'il était enfant. Son père, qui a conçu un avion de
brousse, avait obtenu un contrat pour travailler à Saint-Félicien.
«Il avait eu un contrat pour ouvrir le nord, comme ils disent», raconte en entrevue M. Prebinski.
À 16 ans, il quitte le nid familial pour devenir soldat apprenti. Après
plusieurs années, il devient policier de l'air pour l'Aviation royale
canadienne. Première responsabilité: gardien d'un missile nucléaire à la
fameuse base La Macaza. En pleine Guerre froide, dans les années 60,
M. Prebinski est alors assigné au 447e Escadron situé dans les
Laurentides. Escadron équipé d'un missile d'interception sol-air
nucléaire BOMARC de Boeing pour assurer la défense aérienne de
l'Amérique du Nord contre une possible attaque russe.
Un an plus tard, il quitte le sol québécois pour travailler sur une base
aérienne en Allemagne. En 1970, il revient au pays à la base de
Saint-Hubert. Alors commence les pénibles mois pour M. Prebinski qui
agissait en tant que chef d'équipe dans la police militaire, après la
proclamation de la Loi sur les mesures de guerre pendant la Crise
d'octobre. Le lendemain de cette annonce par Pierre Elliot Trudeau, le
corps du ministre Laporte est découvert.
«J'étais chef d'équipe ce soir-là. On a obtenu des informations à
l'effet que le corps de Pierre Laporte se trouvait sur notre base à
Saint-Hubert. Un journaliste de CKAC et un autre véhicule avec deux
autres personnes d'un autre média se trouvaient près de la base et
cherchaient également le corps. On a collaboré avec certains de ces gens
pour finalement trouver le véhicule suspect près du hangar # 10.
Arrivés sur les lieux, on ne voulait pas ouvrir le coffre. Il y avait
peut-être une bombe. On a attendu les artificiers et ils ont ouvert le
coffre. Il était là, mort. Ma motivation était maintenant de trouver qui
avait fait ça», décrit M. Prebinski, qui a participé à l'enquête menant
à l'arrestation des ravisseurs de Pierre Laporte.
Mais cette période a été difficile pour l'ancien résident de
Saint-Félicien qui était à cette époque âgé de 27 ans. Travailler des
journées de 18 heures, dans une ville où les relations entre citoyens et
militaires étaient plus que tendues, a causé beaucoup de stress à
M. Prebinski.
«J'avais mal aux oreilles. On m'a donc envoyé au centre médical des
forces canadiennes pendant ma seule journée de congé. Les spécialistes
ont découvert que mon stress était la cause de ce mal. Lorsque je
dormais, je serrais trop fort la bouche», confie M. Prebinski.
En effet, le climat dans les rues de Montréal s'est rapidement détérioré
pendant la période où la Loi sur les mesures de guerre a été effective.
«Je me souviens d'une des premières journées où ces mesures étaient en
vigueur. Un civil a commencé à nous niaiser en criant des bêtises. Un
des militaires avec qui j'étais l'a immédiatement arrêté. C'était comme
ça. Dans ce temps-là, nous avions tous les droits. C'était fou», admet
celui qui garde un souvenir difficile de ces tensions.
Toujours actif
À 69 ans, le policier militaire à la retraite, qui a cumulé différentes
fonctions, a été honoré cette année. Il a obtenu la médaille du jubilé
dans son comté, à l'Île-du-Prince-Édouard. Même s'il ne travaille plus,
le sexagénaire continue de contribuer à la société en s'impliquant dans
Not Just Tourists, une organisation humanitaire qui invite les gens à
transporter des valises de médicaments dans les pays en besoin.
Source : http://www.lapresse.ca/le-quotidien/progres-dimanche/201212/29/01-4607432-une-vie-digne-dun-roman-despionnage.php